Chaque année, Anne-Marie Trompette anime, à la Bibliothèque Armand Gatti, 5 séances réunissant des lecteurs autour d'un livre et d'un repas.
Le principe du Cercle est simple : il suffit d'acheter le livre (en collection de poche), de le lire et de venir partager ses réflexions et un repas avec d'autres lecteurs (apporter son panier et son livre).
• Vendredi 8 décembre 2017 / 20h :
Océan Mer d'Alessandro Baricco, Folio.
Au bord de l'océan, à la pension Almayer, "posée sur la corniche ultime du monde", se croisent sept personnages au destin étrange et romanesque, sept naufragés de la vie qui tentent de recoller les morceaux de leur existence. Mais leur séjour est bouleversé par le souvenir d'un hallucinant naufrage d'un siècle passé et la sanglante dérive d'un radeau. Et toujours la mer, capricieuse et fascinante... Avec une époustouflante méprise, Alessandro Baricco nous offre à la fois un roman à suspense, un livre d'aventures, une méditation philosophique et un poème en prose.
• Vendredi 20 octobre 2017 / 20h :
Quartett d'Heiner Müller, Minuit.
Quartett est une adaptation des Liaisons dangereuses, roman épistolaire de Choderlos de Laclos. Ce texte bref est un extraordinaire épisode de la guerre des sexes, à la fois duel amoureux, combat de grands fauves, joute verbale et jeu de masques d'une ironie et d'une cruauté sans égales. Un face-à-face érotique et rhétorique qui tourne très vite à l'entre-dévoration. "Je la croyais éteinte, votre passion pour moi. D’où vient ce soudain retour de flamme. Et d’une passion si juvénile. Trop tard bien sûr. Vous n’enflammerez plus mon coeur. Pas une seconde fois. Jamais plus. Je ne vous dis pas cela sans regret (...)"
Créé en France par Patrice Chéreau, mis en scène aussi par Bob Wilson, le texte a été joué notamment par Jeanne Moreau et Samy Frey. En parallèle, lecture recommandée de Erwin Motor, dévotion de Magali Mougel (Espaces 34).
• Vendredi 23 juin 2017 / 20h :
"Le laboureur des eaux" de Hoda Barakat (Actes Sud/Babel)
L'histoire du "laboureur des eaux" se déroule au Liban, dans Beyrouth à l'agonie, ville massacrée par la guerre civile. Le narrateur, Nicolas, grec orthodoxe de 50 ans, erre dans les rues défoncées, les immeubles et les magasins détruits. Il s'est aménagé un petit coin de jardin et vit dans la cave de sa boutique de tissus épargnée par un gigantesque incendie. Là, seul, il raconte ses parents, son père et son grand-père également marchands dans le commerce des tissus. Il y a le présent vécu dans la ville en guerre et le passé qui ressurgit par à-coups. Dans le froissement des étoffes qu'il décrit le narrateur trouve matière à évoquer les deux femmes de sa vie : sa mère et Chamsa, sa maîtresse kurde. Il raconte à Chamsa, à la façon de Shéhérazade, la fabuleuse histoire des tissus. Ainsi se dessinent les histoires du lin, du coton, du velours, de la dentelle et de la soie, leurs étapes historiques. Contact avec les peuples grâce au commerce de ces tissus mais aussi contact avec les corps. Sensualité du toucher.Description des corps féminins épanouis dans "le cri de la soie", regard de l'homme sur ces chairs rêvées. Ce livre est un hymne à la beauté charnelle à jamais inaccessible qui se dessine dans le sommet de son éclat. "Le laboureur des eaux" et un roman mélancolique, onirique et poétique d'une très grande sensualité.
• Vendredi 28 avril 2017 / 20h :
"Oedipe sur la route" de Henry Bauchau (Actes Sud/Babel)
Oedipe, celui qui - jouet des dieux - a tué son père et épousé sa mère, quitte Thèbes aveugle et accablé par le poids de sa faute. Avec sa fille Antigone, il s'engage dans une longue errance qui le conduira à Colone, lieu de sa "disparition"... et de la clairvoyance. Car ce livre est un voyage intérieur dans lequel un homme affronte les ténèbres qu’il porte en lui, jusqu’à atteindre la connaissance de soi.
Dans cette quête, Henry Bauchau convoque tour à tour le chant, la danse, le rêve et le délire comme moyens de libération de son héros… Et c’est par la sculpture, au flanc d’une falaise, d’une vague gigantesque, symbole des épreuves déjà franchies ou encore à franchir, que ce délire trouve son expression la plus achevée et la plus visionnaire.
"Œdipe sur la route" roman d’aventures, roman initiatique, est avant tout une somptueuse interrogation sur l’individu et son destin.
• Vendredi 10 février 2017 / 20h :
"Le désert des Tartares" de Dino Buzzati (Pocket)
Giovanni Drogo, jeune officier muté dans une forteresse aux confins d'un empire attend, en scrutant ce "désert des Tartares" les ennemis dont on parle tant et qu'on ne voit jamais. Mais il imagine que, lorsqu'ils traverseront le sable ce sera la gloire de combattre. Attiré par le mystère du fort Bastiani, par ces hommes figés depuis tant d'années sur un horizon qui lui fait miroiter des mirages lumineux, le jeune officier ne sait plus ce qui est vrai ou faux. Alors, il reste.Il se sent retenu par le sortilège du fort, par le rythme monotone et apaisant de cette vie de garnison, par le silence et par la solitude. Drogo va consumer sa vie dans cette forteresse. L'obscure attraction qu'il éprouve pour le Désert des Tartares se transforme en une calme maladie de l'âme...Quand l'évènement tant attendu se profile au bout de tant d'années, Drogo est atteint d'une grave maladie qui fait de lui, à 54 ans, un vieillard précoce.Alors la bataille la plus difficile, la seule qui soit digne d'un homme l'attend. Il va falloir signer avec la mort un pacte honorable (afin de se trouver devant l'ultime porte en uniforme et manteau). Il entrera, invaincu dans l'éternité du temps. Une négociation d'égal à égale ! "Le temps a fui si rapidement que son âme n'a pas réussi à vieillir (...) Drogo s'obstine dans l'illusion que ce qui est important n'a pas encore commencé." Cette intemporelle jeunesse de l'attente, tel est le fait psychologique fondamental découvert par Buzzati. Cette attente toujours jeune, c'est elle qui inspire à tout homme le sentiment que la vraie vie est encore à venir et que le moment n'est pas venu de mourir, puisque n'est pas encore arrivé ce qu'il attend depuis le commencement. C'est donc cette attente jamais lassée qui fait la mélancolie de la mort en nous la faisant éprouver moins comme l'achèvement d'une existence que comme la filouterie d'un destin qui n'a pas encore commencé.
• Vendredi 14 octobre 2016 / 20h :
"La théorie des nuages" de Stéphane AUDEGUY (Folio)
Akira Kumo est un couturier japonais. Il collectionne les livres consacrés aux nuages. Pour classer sa bibliothèque, il engage Virginie Latour, une jeune femme, à qui il raconte des histoires de chasseurs de nuages. Celle de Luke Howard qui inventa leurs noms, celle de Richard Abercrombie qui fit le tour du monde pour voir s'ils étaient partout identiques, d'autres encore, aussi surprenantes que le jeu des nuées.
Récit d'une épopée incroyable étirant les digressions à l'infini façon "Mille et une nuits". Premier roman d'une grande maturité, mêlant le faux et le vrai, avec un humour et un sens de la narration qui permettent à l'auteur d'harmoniser à l'intérieur de ce roman les multiples romans possibles : fantaisie scientifique et poétique (les nuages), roman d'aventure (Abercrombie), quête amoureuse ( Virginie Latour), récit d'histoire (la guerre du Pacifique). Roman au titre à priori rébarbatif qui nous transporte là où la science et la sensation, l'intellect et la sensibilité sont en lutte. La théorie des nuages, est, entre ciel et terre, un éloge de la rareté des choses de la vie offertes par l'expérience des hommes.
• Vendredi 24 juin 2016, 20h :
"Trois chevaux" de Erri De Luca.
Le narrateur, un Italien émigré par amour en Argentine, rentre au pays. En Argentine, sa femme a payé de sa vie leur combat contre la dictature militaire. Lui, le rescapé, a appris que la vie d'un homme durait autant que celle de trois chevaux. Il a déjà enterré le premier, en quittant l'Argentine. Il travaille comme jardinier et mène une vie solitaire lorsqu'il rencontre Làila dont il tombe amoureux. Il prend alors conscience que sa deuxième vie touche aussi à sa fin, et que le temps des adieux est révolu pour lui.
Récit dépouillé à l'extrême, "Trois chevaux" évoque la dictature argentine, la guerre des Malouines, l'Italie d'aujourd'hui. A travers une narration à l'émotion toujours maîtrisée, où les gestes les plus simples sont décrits comme des rituels sacrés, et où le passé et le présent sont étroitement imbriqués, l'auteur pose la question des choix existentiels et interroge le destin.
• Vendredi 29 avril 2016, 20h :
"La pluie d’été" de Marguerite Duras.
Bibliothèque de théâtre Armand Gatti - 5, place Martel-Esprit, La Seyne-sur-Mer. Tél 04 94 28 50 30
"La pluie d'été" a été écrit au cour de l'été 1989, juste après les cinq mois de coma dépassé qu'a vécus Marguerite Duras. Ce livre est une tentative pour retrouver l'enfance à travers l'étrangeté d'Ernesto et de sa soeur Jeanne. Roman de la famille, de la pauvreté, de l'enfance libre et inquiète qui s'incarne en Ernesto. Roman intense et pathétique avec un charme et une drôlerie auxquels Duras ne nous a pas habitués. Elle invente la famille Crespi, famille d'immigrés, vivant depuis 20 ans dans les bidonvilles de Vitry-sur-Seine. Ces personnages baignent dans une sorte d'état de grâce. Ils ont une prescience, une sorte de voyance naturelle. Le père Emilio, italien, est chômeur. La mère Hanka Lissovskaia, est slave. Les enfants, les deux aînés, Ernesto et sa soeur Jeanne prennent en charge les autres enfants désignés par l'expression "les brothers et les sisters". Le coup d'éclat d'Ernesto est l'énigme du livre. C'est la phrase qu'il prononce après 2 jours d'école "je ne retournerai pas à l'école parce qu’à l'école on m'apprend des choses que je ne sais pas". Fascination de ce mystérieux paradoxe... La compréhension se situe ailleurs bien sûr et seule la mère comprend. Ernesto a trouvé dans une poubelle un gros livre brûlé en son milieu, livre qu'il lit sans avoir jamais appris à lire. Ce livre c'est la Bible (Le Livre des Rois). IL parle de la création du monde de l'espoir et de la vanité de l'homme sans Dieu. Pour Ernesto, aller à l’école "ça n'est pas la peine", seule compte la question de Dieu. Ernesto et Jeanne s'aiment au point de s'unir physiquement et mystiquement juste avant de sortir de l'enfance. Cette mère qui passe son temps à éplucher des pommes de terre est , en même temps, surnaturelle comme son fils et comme Jeanne. Elle est aussi une grande amoureuse comme toutes les héroïnes de Duras, et c'est pour cela qu'elle les comprend. Quand elle chante La Neva elle chante l'amour inaccessible et présent à la fois. Famille sauvage et visionnaire, déchiré et heureuse...Pas de réalisme dans ce roman où il est question de révélation. Tout le charme du livre tient à ce climat d'amour nocturne, à cette nuit où la mère rencontra son amant dans un train venant de Sibérie. Ces gens sont incroyables at attachants. Après la pluie qui marque la fin de l'été et celle de la magie de l'enfance, Ernesto et Jeanne vont se séparer malgré le pacte qu'ils avaient scellé.. Chacun des Crespi sait que les autres sont perdus dans un no man's land et qu'aucune information ne convient. Ils le savent. Que faire devant une telle attitude ? Peut-être comme l'instituteur qui devient amoureux d'eux, chanter "Allo maman bobo!" dans un décor de banlieue qui est un décor de fin du monde mais où circule la vie, le mouvement, le souffle...
• Vendredi 26 février 2016, 20h :
"Un été autour du cou" de Guy Goffette.
Bibliothèque de théâtre Armand Gatti - 5, place Martel-Esprit, La Seyne-sur-Mer. Tél 04 94 28 50 30
C'est comme poète que Guy Goffette a acquis sa notoriété, comme essayiste aussi. "Un été autour du cou" est son premier roman. Dans un village de la France profonde des années 50, Simon va sur ses douze ans, l'âge de la communion solennelle. Ses parents tiennent un bar épicerie. Il a grandi seul et rêve de s'enfuir. Un drôle d'éblouissement va bouleverser la vie de ce gamin. La rencontre avec La Monette, une de ces créatures qui hantent le sommeil des galopins un peu curieux. Elle est rousse à la peau blanche. Elle est faite de rondeurs et de courbes felliniennes et suscite chez le garçon une fièvre où se mêlent sensualité, souffrance, colère, honte et persistance de la naïveté enfantine. Devenir un homme n'est pas chose facile quand l'initiatrice à la fois mère, maîtresse et démone (ogresse) se joue de l'enfant et l'utilise d'une façon cruelle.Le narrateur, vieil écrivain, enfermé dans sa caravane à la lisière d'une forêt n'a d'autre façon de récupérer son enfance que de se la raconter sans cesse : "La Monette savait tout, moi rien. Elle m'a pris sous son aile, m'a roulé dans la farine, puis foulé aux pieds, puis jeté dehors". Guy Goffette aborde ici un sujet qui reste tabou : l'éducation sexuelle forcée d'un jeune garçon par une femme mûre. Un viol physique et moral ? Roman précis et coupant comme une lame de rasoir mais qui n'a rien d'un documentaire. Au contraire, on est plus près du conte que du roman à thèse. Il y a l'histoire bien sûr, mais il y a surtout l'écriture d'une beauté éblouissante qui évite à ce récit d'enfance de glisser vers le cliché pour nous donner un véritable poème en prose. Livre émouvant aux saveurs et aux odeurs puissantes. Livre de poète où chaque mot a sa densité et son rayonnement. Lectures parallèles conseillées : "Lourdes, lentes" d’André Hardellet - "L'amant" de Marguerite Duras.
• Vendredi 4 décembre 2015, 20h :
"La demande" de Michèle Desbordes
Bibliothèque de théâtre Armand Gatti - 5, place Martel-Esprit, La Seyne-sur-Mer. Tél 04 94 28 50 30
Lui est un maître italien, peintre, sculpteur, architecte, anatomiste, un peu Michel-Ange, un peu Léonard de Vinci. Elle est servante, la seule servante dont le seul devoir, la seule richesse et toute la dignité sont de servir, de vieillir en servant. En ce début de XVI ème siècle, sur les bords de la Loire où le vieux maître est venu se réfugier avec ses élèves préférés pour réaliser une commande royale, ces deux êtres que tout oppose s'observent à la dérobée, s'apprivoisent, apprennent à comprendre leurs silences. Mais à la toute fin de ce beau récit en demi-teintes, la servante va parlr formuler sa demande, une incroyable demande... Image d'un accord final entre deux êtres, entre l'art et la vie. Ce livre est un livre rare et subtil, d'une grande délicatesse. Rien n'est révélé avant la dernière page. Tout est dit en creux sans la violence des mots. Il y a comme un refus de nommer des choses comme la mort, la beuté, l'art. Le regard peut transformer le quotidien en oeuvre d'art. Michèle Desbordes raconte une histoire simple où un homme et une femme se regardent, vivent ensemble, se taisent, vieillissent et meurent dans une attention réciproque et une très grande pudeur. "La Demande" parle de ce dont nous somme incapables de parler : l'éternité...Lecture parallèle conseillée : "L'amour pur" d'Agustina Izquierdo (Folio).
• Vendredi 9 octobre 2015, 20h :
"Terrasse à Rome" de Pascal Quignard
Bibliothèque de théâtre Armand Gatti - 5, place Martel-Esprit, La Seyne-sur-Mer. Tél 04 94 28 50 30
Meaume le graveur est né à Paris en 1617 et mort en 1667. Il a aimé passionément Nanni, la fille d'un maître graveur de Bruges. Mais le fiancé jaloux de la jeune fille lui a jeté au visage l'acide dans lequel il faisait tremper ses plaques de cuivre gravées. Il est défiguré. Fin de la beauté de l'homme, début de la beauté de l'oeuvre. Rejeté par son amante, Meaume est condamné à l'errance. Refusant la couleur, il trouve dans la "manière noire" l'éclat du désir, la clarté pâle des sènes de la vie quotidienne. L'eau-forte, le burin, la pointe sèche sont les outils de cet artiste reconnu.. La lumière le blesse comme l'écorche le souvenir de son amante. Il vit dans la nuit d'une colère intérieure mais son travail raye cette nuit. De l'obscurité, son burin tire des lumières magnifiques. La vie et l'oeuvre de Meaume ne sont pas ténébreuses. Pascal Quignard en fait un récit clair obsur à la fois tenu et ardant où l'on trouve quelques sentences énigmatiques et très belles comme : "Il y a un âge où on ne rencontre plus la vie mais le temps. On cesse de voir la vie vivre. On voit le temps qui est en train de dévorer la vie toute crue. Alors le coeur se serre. On se tient à des morceaux de bois pour voir encore un peu le spectacle qui saigne d'un bout à l'autre du monde et pour ne pas y tomber".
• Vendredi 26 juin 2015, 20h :
"Les villes invisibles" d'Italo Calvino
Bibliothèque de théâtre Armand Gatti - 5, place Martel-Esprit, La Seyne-sur-Mer. Tél 04 94 28 50 30
Ces villes relèvent d'une cartographie imaginaire. Elles superposent le temps et les espaces en un labyrinthe où l'important n'est pas d'arriver mais d'effectuer de multiples parcours. Les voies suivies par Marco Polo pour atteindre les villes invisibles que la description fera surgir, définissent un espace-temps discontinu, incomplet et le cheminement dans un espace-temps sans coordonnées est le seul possible. Symbolisme des parcours romanesques...Cette fiction d'Italo Calvino reprend la trame du récit de voyage que Marco Polo a publié à son retour en Italie, un des ouvrages les plus lus à la fin du Moyen Age, "le livre des merveilles", aussi appelé "La description du monde" ou "Milione" en Italien. À ce titre ce livre est une voyage dans la littérature.Il y a l'idée d'un défi qui implique la volonté d'interpréter des signes, des symboles.Comme le suggère l'éditeur, le livre de Calvino est "la relation de voyage d'un Marco Polo visionnaire auprès d'un Grand Khan mélancolique (...)Ces nouvelles d'un monde rêvé forment un fragile et merveilleux catalogue d'emblêmes (...) Etranges discussions entre Marco Polo et Kublai Khan à propos d''une centaine de villes où l'imaginaire matiné de passé, présent et futur conduisent à ce catalogue symbolique".Au nombre de ces symboles figure le jeu d'échecs. Un échiquier géant est représenté sur le sol de la salle du trône du Grand Khan où Marco Polo vient rendre compte à celui-ci de ses voyages.Les deux hommes jouent donc aux échecs. Le symbolisme revient, omniprésent entre "ces espaces de villes noires et blanches", "(...) de regarder chaque état successif de l'échiquier " comme évoluent les villes qui naissent, meurent et se renouvellent, "à la place du Roi enlevé, il reste un carré noir et blanc (...) un morceau de bois raboté : le néant". L'échiquier comme représentation de l'univers...Ces petits récits invitent le lecteur à une déambulation aux résonances philosophiques et existentielles. La structure mathématique complexe de cette oeuvre "oulipienne" ne doit pas occulter l'enjeu essentiel d'une réflexion sur le monde, sur la manière d'aborder le réel, ni la richesse poétique de ce voyage en pays d'utopie.
• Vendredi 17 avril 2015, 20h :
"Des aveugles" d'Hervé Guibert
Bibliothèque de théâtre Armand Gatti - 5, place Martel-Esprit, La Seyne-sur-Mer. Tél 04 94 28 50 30
"Des aveugles" est un livre plein de démons. Au ras du fait divers : "dans une institution, trois aveugles, le mari, la femme et l'amant (comme l'annonce la quatrième de couverture), comment ils se rencontrent, comment ils s'aiment, comment ils s'entre-tuent"... Evidemment rien de très gai. Mais ce n'est pas dans la tuerie que le lecteur trouve le froid du frisson. Un adultère handicapé dans le noir ? Et d'abord, pour les aveugles, le noir n'existe pas. L'horreur, la vraie, vient d'un monde décalé par rapport au nôtre, d'une humanité différente. Explication par les mots, les signes, les odeurs. Cécité dans le texte. Dans un grand malaise, dans une intérieure solennité, l'atelier du cerveau met à jour une mémoire sensuelle au bout des doigts. Réalisme à canne blanche... A l'origine de cette traversée du miroir, il y a l'expérience d'Hervé Guibert à l'Institut National des jeunes Aveugles où il fit, d'abord, un reportage, puis devint lecteur bénévole. Au jour le jour la vie de Robert et Josette. Il joue au mikado, elle a un amant. Miraculeuse éclipse. Fantasmagorie de voluptés et de frayeurs. Rêves de lumière à travers la transparence des larmes. Bruit humide de deux peaux qui se téléscopent dans les spirales de ténèbres phosphorescentes : "Ils ne voyaient pas, ils n'avaient pas de fantasmes imagés. Ce pouvaient être des désirs de chaleur qui emplissaient leur esprit ou des désirs de matières, de chairs, d'objets, les formes étaient associées à leurs variations thermiques".Dans cette autarcie d'épouvante, l'urgence règne sans partage: ils voudraient se lever, ils voudraient jouir, ils voudraient être débarrassés, mourir, repartir à zéro,sarracher fanatiquement, entièrement, emportés comme pour un lointain voyage... Pour le non-voyant le noir ne veut rien dire, c'est le rien, le rien seul. Et ce court récit épouse avec magie cette guérilla du dedans, cette fausse paix derrières les globes immobiles. Un frisson frotte un archet contre la nuit, brusque cyclone de repérages à vif... Aucune trace de blessure. La vue s'est enfuie, c'est tout. Avant la naissance, parfois, pendant l'enfance, très mystérieusement. Sur le frontispice de l'Institut ces mots : "Défense aux visiteurs de laisser échapper des expressions de pitié". Alors, l'épouvante ? Sans doute. Mais "Des aveugles" est surtout un livre étrange, à la fois réaliste et fantastique, tragique et comique. Dans toutes ces horreurs il y a comme un grand rire qui ressemblerait à un sanglot. La morale de l'histoire ? Mais il n'y en a pas et, de toute façon, le livre d'Hervé Guibert n'est pas une fable mais une évocation rêveuse et une sorte de reportage sur ce continent obscur, la cécité, écrit dans une langue éblouissante, poétique et baroque.
• Vendredi 2O février 2015, 20h :
"Les Belles endormies" de Yasunari Kawabata
Bibliothèque de théâtre Armand Gatti - 5, place Martel-Esprit, La Seyne-sur-Mer. Tél 04 94 28 50 30
Dans quel monde entrait le vieil Eguchi lorqu'il franchit les seuil des Belles Endormies ? Ce roman publié en 1961 décrit la quête d'hommes âgés en mal de plaisirs.
Dans une mystérieuse demeure ils viennent passer une ou plusieurs nuits aux côtés de très jeunes filles endormies sous l'effet de puissants narcotiques.
Pour Eguchi, ces nuits passées dans "la chambre des voluptés" lui permettront de se ressouvenir des femmes de son passé et de se plonger dans de longues méditations. Pour atteindre, qui sait, au seuil de la mort, à la douceur de l'enfance et au pardon de ses fautes ? Cette maison n'est donc pas un lieu de débauche mais un lieu de méditation.Ce livre n'est pas un récit mais un adieu de Kawabata. C'est un passage au royaume des ombres où un homme âgé dit adieu, à sa manière, à ce qui incarna dans sa vie le contraire des ombres : la femme et la chair de la femme. Le ton est grave et, pour cela, Kawabata met en place un rituel nécessaire et très esthétique, sorte de mise en scène théâtrale, comme une mise à distance qui rend la gravité du propos acceptable pour le lecteur.
• Vendredi 21 novembre 2014, 20h :
"De l'amour et autres démons" de Gabriel Garcia Marquez
Bibliothèque de théâtre Armand Gatti - 5, place Martel-Esprit, La Seyne-sur-Mer. Tél 04 94 28 50 30
"De l'amour et autres démons" est un petit roman lumineux malgré les croyances et les délires du passé. C'est un voyage au pays de l'Inquisition, du démon et de ses exorcistes. Malgré son titre, ce livre n'a rien d'un traité philosophique et la phrase de Thomas d'Aquin citée en exergue, à propos de la résurrection des cheveux n'est qu'une manière ironique d'ouvrir le roman. Un message gravé sur une pierre tombale de la fin du 18ème siècle est à l'origine de cette histoire. En 1949, alors qu'il était reporter, Garcia Marquez fut chargé par son journal de se renseigner sur l'ouverture des caveaux d'un ancien couvent de clarisses. Les ouvriers libérèrent d'un caveau, un crâne d'enfant avec une chevelure couleur de cuivre d'une longueur de 22 mètres... Sur la pierre tombale abîmée par le temps, un prénom et un nom : Sierva Maria de Todos los Angeles. Cinquante ans après, c'est le point de départ d'une singulière histoire d'amour dans le cadre joyeux, coloré et décadent du port de Carthagène des Indes au milieu du 18ème siècle. Fille unique du marquis de Casalduera, Sierva Maria a 12ans lorsqu'elle est "mordue par un chien couleur de cendre portant une lune blanche au front". Soupçonnée de rage ou de possession diabolique, enfermée au couvent par l'Inquisition, elle vivra avec son exorciste, Don Cayetano Delaura une passion folle, destructrice, forcément maudite.Histoire d'amour, de passion, de sorcellerie, d'Inquisition, tendre et nostalgique mais pleine de feu, de soufre et d'ardeur où le remugle des vastes demeures coloniales aux volets clos et toutes les odeurs entêtantes des étals exotiques sont, avant tout, le décor d'un plaidoyer pour l'homme face aux nouveaux virus qui l'accablent et aux nouvelles pulsions irrationnelles qu'ils suscitent de toutes parts.
• Vendredi 19 septembre 2014, 20h :
"Histoire de la chauve-souris" de Pierrette Fleutiaux
Bibliothèque de théâtre Armand Gatti - 5, place Martel-Esprit, La Seyne-sur-Mer. Tél 04 94 28 50 30
Une jeune fille transgressant les interdits familiaux se penche, la nuit, à la fenêtre d'une tour. La sanction est immédiate, une chauve-souris s'empêtre dans sa chevelure. Il est impossible de l'en extirper sans raser le crâne de la jeune fille. On lui évite cette unique solution efficace mais "sacrilège" et cette disgrâce lui est ainsi épargnée. Elle gardera donc cette "bête" accrochée à sa nuque. Se sentant monstrueuse au regard des autres, elle décide de quitter sa ville et d'éviter ses semblables. Elle se doit néanmoins de nourrir sa chauve-souris, sous peine de lui servir elle-même de nourriture. Elle chasse donc les insectes, les décortique et les offre à sa bestiole parasite. Au cours de son étrange voyage, elle traverse une clairière, un terrain d'épandage, une grotte, une capitale et une ville américaine aux "tours immenses" et fait diverses rencontres. Il y a ceux qui voient sa chauve-souris et ceux qui ne la voient pas, ceux qu'elle attire et ceux qu'elle repousse. Ces rencontres déroutent la jeune fille au sens propre du terme et elles déroutent le lecteur au sens figuré.
Pierrette Fleutiaux appartient, à certains égards, à la famille des auteurs de romans noirs, ou romans gothiques (Shelley, Byron, Poe, Huysmans ou Kafka) qui transforment le surnaturel ou l'imaginaire en réalité crue. On retrouve la terreur poussée à l'extrême dans ce roman paru en 1975, un roman qui côtoie le macabre, le hideux, mais aussi le pitoyable. Les lieux que visite le lecteur sont les lieux privilégiés de ces histoires terrifiantes. Ils sont parsemés de tours, d'oubliettes, de cachots, de donjons, de forêts, d'êtres et d'animaux bizarres...
• Vendredi 20 juin 2014, 20h :
"Maison des autres" de Silvio D'Arzo
Bibliothèque de théâtre Armand Gatti - 5, place Martel-Esprit, La Seyne-sur-Mer.
Tél 04 94 28 50 30
Grand admirateur de James et de Conrad, D'Arzo sait bien que les moments essentiels sont ceux où "il ne se passe rien". Mais ce rien engendre ici une prose tendue et scandée où chaque mot semble arraché à la plus secrète réticence. La douloureuse question que la vieille femme de "Maison des autres", après maints détours et lapsus, pose au prêtre d'un village perdu de l'Apenin émilien ne peut avoir de réponse. Dans un univers minéral et désolé que rythme le retour obsédant des saisons et des gestes, à peine troublé par par le drame indicible qui fait le livre, elle renvoie chaque lecteur au profond de lui-même. Silvio D'Arzo (Ezio Comparoni) est né à Reggio Emilia en 1920. Il y est mort en 1952, sans en être vraiment parti.
• Vendredi 11 avril 2014, 20h :
"La route" de Cormac Mccarthy (Points-Seuil)
Bibliothèque de théâtre Armand Gatti - 5, place Martel-Esprit, La Seyne-sur-Mer. Tél 04 94 28 50 30
Un cataclysme inconnu a dévasté le monde. Des incendies géants ont ravagé les villes et les campagnes tandis que la faune a disparu. Ce qui ressemble à un hiver nucléaire masque en permanence le soleil et des cendres recouvrent le paysage. L'humanité a presque disparu, les quelques survivants se terrent comme des bêtes ou, ayant apparemment regressé, pratiquent le meurtre et le cannibalisme.Dans ce décor apocalyptique, un père et son fils, que l'auteur ne dénommera jamais autrement que "l'homme" et "le petit",errent en direction du sud, leurs maigres possessions rassemblées dans un charriot de supermarché et dans des sacs à dos.Oeuvre métaphorique, ce roman est celui d'une quête impossible, celle d'un paradis perdu à jamais, d'une humanité qui se dérobe sans cesse sous les pieds fragiles des deux protagonistes, confrontés en permanence à la violence et à la barbarie. C'est également une oeuvre initiatique sur la transmission et la subjectivité des valeurs. Enfin c'est le tableau puissant et émouvant d'une relation entre un père et son fils, liés par une obligation de survie et le désir de perpétuer la mémoire et la culture en un âge de ténèbres et de désespoir.C'est enfin une oeuvre métaphysique. Les deux personnages devant sans cesse, par contingence, reprendre la route (Sisyphe devant sans cesse pousser son boulet). Nous ignorons pourquoi ils sont là et ils ignorent leur avenir, parfaite comparaison avec la condition humaine.
• Vendredi 7 février 2014, 20h :
"Syngue sabour" de Atiq Rahimi.
Bibliothèque de théâtre Armand Gatti - 5, place Martel-Esprit, La Seyne-sur-Mer Tél 04 94 28 50 30
Syngue sabour (du perse sayngue "pierre" et sabour "patiente). Pierre de patience. Dans la mythologie perse, il s'agit d'une pierre magique que l'on pose devant soi pour déverser sur elle tous ses malheurs, ses souffrances, ses douleurs, ses misères...On lui confie tout ce qu'on n'ose pas révéler aux autres...Et la pierre écoute absorbe comme une éponge, tous les mots, tous les secrets jusqu'à ce qu'un jour elle éclate...Et ce jour-là on est délivré. "La femme" et "l'homme", c'est ainsi que sont nommés les deux personnages de ce roman. Le lieu ? "quelque part en Afghanistan ou ailleurs". L'intrigue ? Dans une maison, une très jeune épouse veille son mari allongé, plongé dans le coma, une balle dans la nuque. Se réveillera-t-il ou finira-t-il par mourir ? Elle lui parle tandis que dehors c'est la guerre : maisons détruites et explosions de bombes. La femme parle à l'homme, lui fait sa toilette, change ses perfusions. Long monologue où le récit monotone des jours laisse place peu à peu à la confession qui, de simples mots en souvenirs amers dessine une révélation. L'homme inerte devient pierre de patience. Le murmure de la femme devient progressivement revendication. La parole se libère. Les mots dénoncent un emprisonnement, un désir écrasé par le poids de la soumission, une révolte contenue qui peut s'exprimer enfin mais seulement dans le silence des hommes. Confession sans retenue par quoi la femme se libère de l'oppression conjugale, sociale et religieuse allant jusqu'à révéler d'impensables secrets. À la fin du roman, cette "syngue sabour" explosera. Ce livre a été écrit directement en français qui, pour Atiq Rahimi, est la langue de la liberté.
• Vendredi 22 novembre 2013, 20h :
"Les saisons" de Maurice Pons.
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Ce livre a été édité pour la première fois par Julliard en 1965, par Bourgois en 1975, par 10/18 en 1984 et, enfin, à nouveau par Bourgois en 2006. Tiré chaque fois à un nombre assez limité d'exemplaires, hormis pour l'édition de 2006, "Les saisons" est un roman qui passe de main en main. Il a donc relativement peu de lecteurs et pourtant ceux-ci forment une sorte de confrérie d'initiés qui partagent la même vision du monde.Conte baroque et terrifiant, ce texte est une parabole très noire de notre monde. Le poète Siméon, voyageur solitaire et disgrâcié a fui l'enfer d'un pays où le soleil brûle en permanence et il a échappé à d'affreux malheurs. Il arrive après un long et douloureux voyage, dans un village déshérité, peuplé de pauvres gens laids, difformes et inhospitaliers. Cet affreux pays ne connaît pas de printemps : deux saisons seulement durant 30 mois chacune. Les pluies incessantes, "le gel bleu" et la neige se succédant sans le moindre rayon de soleil ne décourageront cependant pas Siméon de tenter de se faire accepter par cette population moribonde, "affreuse,sale et méchante"...Se voulant écrivain sans pouvoir écrire, Siméon garde espoir en un monde plus doux vers lequel il entraînera ses compagnons d'infortune. Mais cette quête d'un monde plus humain s'avère être un leurre et se termine par un échec tragique.Siméon n'est pas paralysé par la "page blanche". Il n'écrit rien parce qu'il est réduit à l'impuissance pour avoir trop vu, trop su et trop subi. Que peut l'écrivain dans la société ? Rien, sinon dire avec des mots qu'il ne peut rien, comme semble le suggérer Maurice Pons.Livre culte, d'une noirceur parfois insoutenable, parfois drôle, désespéré, hypnotique et extrêmement poétique.
• Vendredi 23 août 2013, 20h :
"Une trop bruyante solitude" de Bohumil Hrabal, traduit du tchèque par Max Keller (Points, 1997).
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Bohumil Hrabal est l'un des écrivains les plus importants de la Tchécoslovaquie du 20ème siècle. "Une trop bruyante solitude" illustre tragiquement la condition de l'esprit dans les pays soumis à la "normalisation" soviétique. La version intégrale proposée par les éditions Laffont en 1983 n'a pas pu voir le jour en Tchécoslovaquie en 1976. Le livre n'a pas été piloné comme d'autres romans de Hrabal après 1968, il n'est paru en Tchécoslovaquie qu'édulcoré et amputé.Le pilon, tel est précisément le sujet d' "Une trop bruyante solitude". Depuis 35 ans, Hanta écrase, boit, écrase, soliloque en déambulant dans Prague quotidienne et fantastique. Ce fossoyeur de livres s'est donné une mission, un but presque mystique et ignoré de tous : cette culture qu'il détruit, il doit, en même temps la sauver. Dans l'avalanche de livres qui se déversent dans sa cave, il fait son choix, arrachant les uns à la mort, réservant à d'autres un traitement moins ignominieux. Ainsi faisant, il est loin d'être rentable et d'atteindre les normes qui lui sont imposées. Supplanté par des brigades de jeunes ouvriers modèles sans état d'âme, Hanta est rejeté, abandonné de tous. Il ne lui rest plus qu'à rejoindre ses livres bien-aimés. On évoque souvent Kafka et l'on n'a pas tort. Cet humour-là fait passer un frisson dans le dos et serre le coeur.
• Vendredi 31 mai 2013, 20h : "Disgrâce" de J.M. Coetzee, traduit de l'anglais (Afrique du Sud) par Catherine Lauga du Plessis, (Points, 2002).
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David Lurie, cinquante-deux ans, deux fois divorcé, enseigne à l'université du Cap. Une jeune étudiante, parmi ses nombreuses conquêtes, finit par l'accuser de harcèlement sexuel. Contraint à la démission, David se réfugie auprès de sa fille Lucy. Mais les temps ont changé et sa retraite vire au drame. La bourgeoisie africaine doit payer pour les crimes de l'apartheid...
J.M.Coetzee est né en 1940, le prix Nobel de littérature lui a été décerné en 2003.
• Vendredi 8 février 2013, 20h : "Lettres à sa fille" de Calamity Jane (Rivages/poche).
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"Il ya a quelque chose que je devrais te confesser, mais je ne peux tout simplement pas. Je l'emporterai dans ma tombe : pardonne-moi et songe que j'étais solitaire". C'est par ces mots que s'achève, en juin 1902, la série de "Lettres" adressées pendant 25 années par Calamity Jane à sa fille, Janey, élevée loin d'elle par une famille adoptive.
Lettres non pas postées mais consciencieusement gardées sous la selle de son cheval, qui vont former, avec quelques menus objets et photos, un album héritage et qui, enchaînées les unes aux autres dessinent un journal fragmentaire. Au mépris de l'éloignement et de l'absence se tisse une relation d'amour et de manque, de légèreté aussi parfois.
Les détails du quotidien de la vie nourrissent tant ces lettres que les aveux de culpabilité et d'affection esquissés dessinent un portrait de femme familier et tragique au coeur duquel est une énigme irrésolue. Cet ensemble, bouleversant de simplicité, a été réédité par Rivages/poche, extraordinaire western vécu et magnifique témoignage d'amour maternel.
• Vendredi 7 décembre 2012, 20h : "Je ne viendrai pas" d'Arnaud Rykner
(Éditions du Rouergue)
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C'est une petit homme bien tranquille dans sa chambre, au milieu de la ville. Et voici que des anges viennent rôder autour de lui et en lui. Un jour ce sont des anges facétieux à têtes de clown; le lendemain des anges aux regards noirs et aux crocs acérés. S'il en jette un par la fenêtre, un autre entre par la porte. S'il les enferme dans son placard, ils ressurgissent dans son lit. Mais s'ils disparaissent sans laisser traces ni plumes, voilà que le petit homme ne sait plus marcher, ni dans sa tête ni dans sa ville. Où iront-ils ainsi, homme et anges mêlés dans un combat sans merci ? "Je ne viendrai pas" est un récit surprenant dont l'argument est étrange, une sorte de conte métaphysique. L'auteur laisse planer le mystère et l'émotion sur un texte déroutant bruissant d'un silence étourdissant.
• Vendredi 24 août 2012, 20h : "Mirage d'amour avec fanfare" de Hernán Rivera Letelier, traduit de l'espagnol par Bertille Hausberg (Métaillé Suites)
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Elle s'appelle Golondrina del Rosario, elle joue du piano et enseigne la déclamation poétique, elle est toute délicatesse et sensibilité. Il s'appelle Bello Sandalio, il est roux et trompettiste de jazz dans les bordels de la région. Ils se sont rencontrés, une nuit de passion, elle s'est donnée à lui. Ils vivent dans une colonie minière du désert d'Atacama où l'on attend une visite présidentielle, mais la fanfare des damnés de la terre, menée par un barbier anarchiste, prépare un autre type de réception. Hernán Rivera Letelier s'est donné pour tâche de chanter son désert, où les seules fleurs sont l'ombre des pierres, et d'en raconter l'épopée infernale à travers des personnages qui vont à l'essentiel : la vie et la mort, la douleur et la folie, la force de l'amour, des rêves et de l'utopie.
• Vendredi 1er juin 2012, 20h : "Sur le fleuve Amour" de Joseph Delteil (Le Livre de poche, 1971)
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"Sur le fleuve Amour", premier livre de Joseph Delteil, est aussi neuf, aussi revigorant qu'au jour de sa publication, il y a 90 ans (1922, Ed. La Renaissance du Livre, dirigée par Mac Orlan). Deux jeunes officiers de l'Armée Rouge tombent passionnément amoureux de Ludmilla, commandant d'un régiment de femmes dans l'armée tsariste. Ils désertent pour la suivre. Ils iront jusqu'à Shangai, rencontreront le petit télégraphiste bleu, le consul américain William Simpson... C'est un merveilleux conte, écrit dans une langue somptueuse et fantaisiste. Henri Miller, grand admirateur de Delteil, disait : " Ses images et ses métaphores égalent par leur éclat et leur splendeur le plumage des oiseaux tropicaux. "
http://josephdelteil.net/
• Vendredi 30 mars 2012, 20h : "Dans la solitude des champs de coton" de Bernard-Marie Koltès (Minuit, 1986)
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La Seyne-sur-Mer
Ce texte qui ne comporte aucune didascalie ni découpage en actes et scènes est un dialogue entre deux hommes sous forme de longues répliques qui ressemblent à des monologues.
Personnages ne possédant pas de nom, désignés par leur seule raison sociale, le Dealer et le Client, qui devient leur patronyme grâce à la majuscule.
A priori, l'histoire est simple. Ces deux hommes se rencontrent par hasard, la nuit, à la périphérie d'une ville. L'un propose quelque chose à l'autre, mais celui-ci refuse comme il refuse de dire ce qu'il est venu chercher en ce lieu.
La pièce est construite sur l'opposition entre deux conditions : celle de dealer et celle de client.
Négociation énigmatique à propos d'une marchandise qui n'est jamais nommée. Le dealer refuse de dire ce qu'il vend et le client ne dit pas non plus ce qu'il attend. Mais ils continuent l'échange parce qu'ils éprouvent tous les deux un manque. Mais on ne saura jamais de quel manque ils souffrent. L'objet du désir reste secret, innommable. "Cet obscur objet du désir" n'est-il peut-être pas important ? Ils n'échangent que des mots et cet échange ne leur permet pas de conclure la négociation.
Le dialogue se situe encore avant les coups, avant les "armes".
Bientôt tout retour en arrière va devenir impossible et il ne restera que les coups. Il ne restera, peut-être, pour issue, que la mort privée de toute explication.
• Vendredi 20 janvier 2012, 20h : "Ce que j'appelle l'oubli" de Laurent Mauvignier (Minuit, 2011)
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La Seyne-sur-Mer
"Quand il est entré dans le supermarché, il s'est dirigé vers les bières. Il a ouvert une canette et l'a bue. A quoi a-t-il pensé en étanchant sa soif, à qui, je ne le sais pas. Ce dont je suis certain, en revanche, c'est qu'entre le moment de son arrivée et celui où les vigiles l'ont arrêté, personne n'aurait imaginé qu'il n'en sortirait pas".
Cette fiction est librement inspirée d'un fait divers tragique survenu à Lyon, en décembre 2009, dans le magasin Carrefour du centre commercial de La Part-Dieu.
Le nouveau livre de Laurent Mauvignier est un texte court, très concentré, une seule phrase de 62 pages qui n'a ni début ni fin, comme suspendue, un monologue suffocant évoquant les circonstances d'une mise à mort inhumaine et absurde. L'auteur prend comme point de départ le silence médiatique et social autour d'un crime gratuit réduit à un entrefilet dans les journaux ou à "la voix blanche d'un présentateur télé débitant la mort des autres".
Mauvignier défie le silence et la banalisation avec une seule phrase et une voix qui s'adresse au frère de la victime.
Le temps écoulé depuis la mort du jeune homme a fait surgir les questions : comment peut-on entrer dans un supermarché sans être sûr d'en ressortir vivant ? Peut-on mourir parce qu'on a eu envie de boire une bière ? et surtout, qui se souviendra de ce jeune homme ?
L'auteur dresse le portrait d'une société qui autorise et favorise de tels crimes et tente d'arracher son personnage à l'oubli et à l'indifférence quotidienne de "ce monde avec des vigiles et des gens qui s'ignorent dans des vies mortes comme cette pâleur..."
• Vendredi 21 octobre 2011, 20h : «La Femme des sables» d'Abé Kôbô, Le Livre de Poche, 1990
Bibliothèque de théâtre Armand Gatti, 38 rue François Villon,
La Seyne-sur-Mer
"La femme dormait parfaitement nue. Dans son champ visuel tout embrumé de pleurs, la femme apparaissait comme une ombre flottante. Elle dormait à même la natte,couchée sur le dos, et, à l'exception du seul visage, le corps entier tout découvert. Le bas-ventre était ferme, tendu, avec, de chaque côté, un pli étranglé; et la main gauche, si légèrement y reposait (...) Sur l'entière surface du corps une couche de sable à fine texture posait, on eût dit, une tunique aussi fine et souple qu'une membrane. Noyant les détails, le sable détachait en les forçant et en les magnifiant, les courbes où se révèle et s'offre l'éternité de la femme. A s'y méprendre, sous son placage de sable, la Femme des sables, était, au regard, devenue statue..."
Heurs et malheurs d'un homme qui, parti à la recherche d'un insecte des sables échoue dans un petit village perdu au fond des dunes, où un piège l'attend. Commence alors un étrange cauchemar...
La Femme des sables d'Abé Kôbô (1924-1993) est incontestablement l'un des grands romans de la littérature japonaise du XXème siècle. Il n'est pas une fresque ni une vision du Japon moderne, mais une pensée, un jugement originaires du Japon moderne sur le destin de l'homme.
Il s'adresse aux lecteurs japonais mais aussi à n'importe quel autre lecteur. Rien n'apparaît du décor japonais. Si nous y cherchons le Japon éternel nous serons déçus. Pourtant, le Japon est présent dans la texture des sens.
Ce roman a été traduit dans le monde entier, il a été couronné, au Japon, par le prix Akutagawa (1962) et, en France, par le Prix du Meilleur Livre étranger (1967).
• Vendredi 17 juin 2011, 20h : «La robe bleue» de Michèle Desbordes, Verdier, 2004
Bibliothèque de théâtre Armand Gatti, 38 rue François Villon,
La Seyne-sur-Mer
Une vieille femme assise sur une chaise dans un parc. Elle attend. Le parc est celui de l’asile de Montdevergues, et l’homme qu’elle attend est son frère. Il s’appelle Paul Claudel. Elle, donc, serait Camille. Trente années dans le parc, près d’Avignon. Présent, passé, tout se mêlerait dans la grande lumière de là-bas, et se rejoindrait. De l’amour et de la beauté. De la haine. De l’abandon.
Et de ce que c’est que la fin des choses quand, de si près, depuis si longtemps, elle chemine près de vous, silencieuse et poignante.
http://www.editions-verdier.fr/v3/oeuvre-robebleue.html
• Vendredi 13 mai 2011 / 20h : «Les reliques» de Jeanne Benameur, Babel, 2011
Bibliothèque de théâtre Armand Gatti, 38 rue François Villon,
La Seyne sur Mer
"Leurs trois coeurs sont collés ensemble. Ils sont devenus cette étrange chose vivante"
Un camion de cirque débarque un jour de neige trois hommes sur le bord d'une
route : Hésior, le magicien, Zeppo, le clown, et Nabaltar, le soigneur de fauves.
Ils vivent là, dans une ancienne cabane de chantier, en désaccord avec le temps. Mira, leur amante, est morte. Que subsiste-t-il de cette trapéziste extraordinaire, qui leur permettait l'envol sur terre ? Des ballerines usées, un dernier costume de scène, précieusement conservés dans un coffre : leur trésor. Avec ces restes, les trois amants fabriquent de fausses reliques de la femme aimée et les enfouissent au pied d'une église ou d'un arbre, parfois d'une maison.
D'une plume délicate et visionnaire, Jeanne Benameur restitue l'univers de trois hommes en marge de tout, unis par un amour fou, sauvage, tout-puissant pour une même femme. Par la grâce d'un imaginaire brûlant, ils mettent en scène leurs propres rituels contre la mort, touchant en nous une dimension sacrée et archaïque de l'amour humain.
• Vendredi 25 février 2011 / 20h : «Le joueur d’échecs» de Stefan Zveig, Éditions Le Livre de Poche.
Bibliothèque de théâtre Armand Gatti, 38 rue François Villon,
La Seyne-sur-Mer
Qui est cet inconnu capable d'en remontrer au grand Czentovic, le champion mondial des échecs, véritable prodige aussi fruste qu'antipathique ? Peut-on croire, comme il l'affirme, qu'il n'a pas joué depuis plus de vingt ans ? Voilà un mystère que les passagers oisifs de ce paquebot de luxe aimeraient bien percer.
Le narrateur y parviendra. Les circonstances dans lesquelles l'inconnu a acquis cette science sont terribles; elles nous reportent aux expérimentations nazies sur les effets de l'isolement absolu, lorsque, à la frontière de la folie, entre deux interrogatoires, le cerveau humain parvient à déployer ses facultés les plus étranges. Une fable inquiétante, fantastique, qui, comme le dit le personnage avec une ironie douloureuse, "pourrait servir d'illustration à la charmante époque où nous vivons".
• Vendredi 10 décembre 2010 / 20h : «Le contraire de la mort» de Roberto Saviano, Éditions Robert Laffont, Pavillons poche – Édition bilingue (2010).
"Il est des lieux où le simple fait de naître est une faute, où le premier souffle et la dernière quinte de toux ont la même valeur, la valeur de la faute". Avec "Le contraire de la mort", Roberto Saviano, l'auteur de "Gomorra", nous entraîne une nouvelle fois dans son pays natal (Naples et ses alentours), où sévissent, plus que jamais, la violence des hommes en général et celle de la mafia en particulier. Ce livre réunit deux récits. Le débat aura lieu, de préférence autour du premier récit qui donne son titre au recueil. Il est fortement conseillé de lire aussi, bien sûr, "La bague", et il ne sera pas interdit d'en parler un peu et de donner son avis...
"Le contraire de la mort" raconte le deuil de Maria, une jeune fille de dix sept ans, qui a vu partir son amoureux pour l'Afghanistan, dont il ne reviendra pas. Au-delà de la dimension personnelle et historique, son histoire comporte une dimension mythique : l'auteur prend le mythe à contre-pied. Sa Maria est une Eurydice moderne qui tente tout pour retrouver Enzo et triompher de la mort par l'amour, mais celui-ci a désormais un goût de cendres.
• Vendredi 29 octobre 2010 / 20h : «La vie devant soi» de Romain Gary (Émile Ajar), Folio, 2009.
Signé Ajar, "La vie devant soi", reçut le prix Goncourt en 1975. Récit émouvant
écrit à la première personne. Histoire d'amour d'un petit garçon arabe, fils caché d'une prostituée, pour une très vieille femme juive, rescapée d'Auschwitz. Momo raconte sa vie difficile entre débrouillardise et tendresse dans les quartiers pauvres de Paris. Il se débat contre les six étages que Madame Rosa ne veut plus monter et contre la vie parce que "ça ne pardonne pas" et parce qu’il n’est "pas nécessaire d'avoir des raisons pour avoir peur". Le petit garçon l'aidera à se cacher dans son "trou juif", elle n'ira pas mourir à l'hôpital et pourra ainsi bénéficier du droit sacré "des peuples à disposer d'eux-mêmes" qui n'est pas respecté par "l'Ordre des médecins". Il l'accompagnera jusqu'à ce qu'elle meure et même au-delà de la mort.
• Vendredi 11 juin 2010 / 20h : «L’homme semence» de Violette Ailhaud, Éditions Parole, 2008.
-41p
En 1852, Violette Aihaud est en âge de se marier quand son village de Basses-Alpes est brutalement privé de tous ses hommes par la répression qui suit le soulèvement républicain de décembre 1851. Deux ans passent dans un isolement total. Entre femmes, serment est fait que si un homme vient, il sera leur mari commun afin que la vie continue dans le ventre de chacune.
Née en 1835, Violette Ailhaud se décide à mettre par écrit cette histoire le 19 juin 1919: pour la seconde fois en 70 ans, son village vient de perdre tous ses hommes.
• Vendredi 30 avril 2010 / 20h : « L’écume des jours» de Boris Vian, Le Livre de poche.
Composé en 1946 aux dos d’imprimés de l’Agence Française de normalisation, où il travaillait alors comme ingénieur, L’écume des jours est publié le 20 mars 1947 aux éditions Gallimard/NRF. Le livre n’aura aucun succès du vivant de son auteur, mort prématurément lors de la projection du film J’irai cracher sur vos tombes, adapté de son roman homonyme.
En 1999, quarante ans après la mort de l’éminent pataphysicien, chanteur et trompettiste, le roman arrivait en 10 ème position, dans le sondage littéraire, Les cent livres du siècle.
• Vendredi 26 février 2010 / 20h : « Le liseur» de Bernhard Schlink, Folio, 1999. - 243 p.
Juge de métier, auteur de romans policiers ancrés dans l'histoire et l'actualité allemandes, Bernhard Schlink reprend à son compte le fantasme de l'adolescent initié à l'amour par une maîtresse d'âge mûr. Mais celle-ci est peu ordinaire; dure, secrète, elle organise leurs rencontres selon un rite très singulier: le bain, la lecture à haute voix puis l'amour.
Trente ans après, Michaël Berg décrit cette période où lycéen âgé de 15 ans, il abandonnait sa peau de fils de famille pour celle de "liseur". Curieux échange entre ces deux êtres: les mots de Schiller, de Goethe ou de Tolstoï contre le plaisir amoureux avec une receveuse de tramway. Hannah disparaît brutalement laissant l'adolescent désemparé.Là s'arrête le roman d'initiation. Michaël fait ses études de droit et s'apprête à râter sa vie affective sans révolte. Sept ans après le départ d'Hannah, il la retrouve lors d'un procès, au rang des accusés. Elle doit rendre compte des actes qu'elle a commis avant leur rencontre, comme Kapo dans les camps de concentration. Accablée par les autres accusées, elle se défend mal, elle est condamnée à la réclusion à perpétuité. M Berg comprend soudain l'invraisemblable secret qui, sans innocenter cette femme, éclaire sa destinée. Commence alors une réflexion méthodique et douloureuse , une interrogation à vif sur la légitimité du jugement d'une génération criminelle par une génération honteuse. La force du livre est de n'éviter aucune des questions qui jaillissent du choc entre le présent et le passé, entre l'amour et le mépris, le désir de comprendre et le besoin de condamner.
• Vendredi 11 décembre 2009 / 20h : « Le noir est une couleur» de Grisélidis Réal, Folio, 2007. - 350 p.
« Le noir est une couleur », publié en 1974,est le premier livre et l’unique roman de Grisélidis Réal, écrivain, peintre, plasticienne, sociologue et prostituée.
Roman autobiographique où elle raconte ses années 50 en Allemagne, ses premières passes avec des soldats noirs rencontrés dans des boîtes pour G.I., sa vie précaire avec ses deux enfants, son expérience en maison close à Munich, son séjour en prison…
Son discours sur la prostitution, sur la possibilité d’y prendre du plaisir comme son refus d’être considérée comme une victime, annonce des combats à venir de « la courtisane révolutionnaire ». Elle fut, en effet, à Paris dans les années 70 l’une des meneuses des mouvements de prostituées et cofonda en 1982, Aspasie, une association de lutte contre la discrimination et l’exclusion des «travailleuses du sexe».
Le souffle vital qui traverse son écriture fait oublier quelques maladresses et la désigne d’emblée comme une véritable écrivaine.
http://www.lmda.net/din/tit_lmda.php?Id=22302
http://fr.wikipedia.org/wiki/Grisélidis_Réal
• Vendredi 23 octobre 2009, 20h : «Passes noires» de Giosuè Calaciura, traduit de l’italien par Lise Chapuis, Folio, 2007. - 150 p
« Nous partîmes la nuit suivante et ce fut le noir. Dans la soute, il y avait ni lueurs ni reflets, que le noir répété mille fois jusqu’à ne plus être un nombre et mille fois le râle de l’asphyxie, la neuvaine du salut, la prière des torturés. Et chacun répétait à l’infini l’histoire apprise par coeur au départ pour tromper la police maritime portuaire, les gardes-frontières et les douaniers… »
Conte des mille et une nuits de brutalité et de solitude, Passes noires donne à voir la déchéance et la détresse des femmes venues au monde pour l’esclavage et l’injustice. Arrachée à son Afrique natale par des négociants de chair fraîche, Fiona échoue dans un port italien où elle rejoint Cendrillon, la Boîteuse, pour vendre son corps dans les obscénités et les humiliations des soldats, étudiants, pères de famille, magistrats, marchands de fritures et prélats qui dévorent les filles à tarif réduit sous l’oeil mort de la sainte patronne de la ville.
Né en 1960 à Palerme, journaliste et écrivain, Josuè Calaciura est aussi l’auteur de Malacarne, roman sur la mafia traduit et publié en 2007 par Les Allusifs.
• Vendredi 29 mai 2009, 20h : "J'habite dans la télévision " de Chloé Delaume (J'ai Lu).
Chloé Delaume a décidé de prendre au mot la fameuse confession d'un directeur de programme de télévision (Ce que nous vendons "c'est du temps de cerveau humain disponible"). Elle s'est mise en condition pour comprendre comment se fabrique cette disponibilité temporelle et cérébrale. Nuit et jour, elle s'étudie elle-même en train de se soumettre à l'afflux de messages publicitaires en ingurgitant le maximum de programmes de divertissement. Le résultat est un roman se présentant sous la forme d' un rapport en 27 pièces, soumis à à l'étude du Ministère de la culture & du divertissement...
"En ce moment vous êtes ici et ça veut dire des choses, des choses très importantes. Que vous êtes vivants par exemple encore vivants, peut être pas pour très longtemps mais un petit peu vivants quand même. Et puis aussi, surtout, qu'à cet instant précis vous ne regardez pas la télévision."
Autour de Chloé Delaume, la bibliothèque Armand Gatti, vous conseille le numéro 100 du Matricule des Anges (février 2009), Transhumances publié aux éditions Ére. Pour avoir accés au site personnel de Chloé Delaume et à la bande-son de "la pièce 17 bis" http://www.chloedelaume.net/
• Vendredi 17 avril 2009, 20h : "Le chant du monde" de Jean Giono (Folio)
"La nuit. Le fleuve roulait à coups d'épaules à travers la forêt, Antonio s'avança jusqu'à la pointe de l'île. D'un côté l'eau profonde, souple comme du poil de chat; de l'autre côté les hennissements du gué. Antonio toucha le chêne; il écouta dans sa main les tremblements de l'arbre. C'était un vieux chêne plus gros qu'un homme de la montagne, mais il était à la belle pointe de l'île des geais, juste dans la venue du courant et, déjà, la moitié de ses racines sortaient de l'eau."
• Vendredi 20 février 2009, 20h : "Mangez-moi" d'Agnès Desarthe (Points/Seuil)
Myriam rêve, comme dans "Alice au pays des merveilles", de retrouver une taille normale qui lui permettrait d'entrer dans la réalité et d'être à la hauteur de ce qu'elle entreprend. Portant un secret trop lourd pour elle, elle essaie de se reconstruire après des années d'errance et décide d'ouvrir un restaurant "petit et pas cher" qu'elle appelle "Chez moi" car, faute de moyens, elle y vit clandestinement. Femme blessée, reniée, elle tente de tirer les fils qui lui permettront de survivre, d'oublier les méandres de sa conscience, de jeter un pont entre le passé et l'avenir. "Chez moi" devient vite le lieu de rendez-vous du quartier. Grands et petits, travailleurs et paumés s'y retrouvent pour un plat du jour, un gâteau au chocolat ou un simple café. En toile de fond, il y a la bibliothèque de Myriam, une trentaine de livres qui l'ont aidée à survivre. Utilisant les ingrédients comme des mots et ses plats comme les phrases qu'elle n'arrive pas à prononcer, Myriam communique à travers les saveurs et les couleurs, suscitant le désir et le plaisir qu'elle s'interdit.
• Vendredi 5 décembre 2008 / 20h : « QUARTETT » d'Heiner Müller, éditions de Minuit
Quartett est une adaptation des Liaisons dangereuses, roman épistolaire de Choderlos de Laclos. Ce texte bref est un extraordinaire épisode de la guerre des sexes, à la fois duel amoureux, combat de grands fauves, joute verbale et jeu de masques d'une ironie et d'une cruauté sans égales. Un face-à-face érotique et rhétorique qui tourne très vite à l'entre-dévoration. Créé en France par Patrice Chéreau, mis en scène aussi par Bob Wilson, le texte a été repris récemment par Jeanne Moreau et Samy Frey.
"Je la croyais éteinte, votre passion pour moi. D’où vient ce soudain retour de flamme. Et d’une passion si juvénile. Trop tard bien sûr. Vous n’enflammerez plus mon coeur. Pas une seconde fois. Jamais plus. Je ne vous dis pas cela sans regret (...)"
• Vendredi 17 octobre 2008 / 20h : « Kafka sur le rivage » de Haruki Murakami, 10/18, 2007. - 640 p
Le récit se structure autour d’une double quête. Celle de Kafka, un adolescent de quinze ans qui, poussé par sa petite voix intérieure qu’il appelle « le garçon nommé corbeau », fugue pour fuir une malédiction paternelle et trouve refuge dans une bibliothèque. Et celle de Nakata, un vieil homme qui prend la route pour répondre à un appel mystérieux.
Victime d’un étrange coma, ce personnage a perdu ses facultés intellectuelles mais gagné le pouvoir de parler aux chats et aux pierres.
La réussite d’un voyage se mesure souvent à la richesse des rencontres. Celui que nous propose Murakami n’échappe pas à cette règle mais l’univers qu’il nous fait découvrir est parsemé d’étrangetés. Il pleut des poissons et des sangsues, les forêts cachent des villages fantômes, les esprits nouent des histoires d’amour charnelles avec les vivants, les chats sont victimes d’un tueur en série. Quant aux humains, d’une sensibilité exacerbée, ils sont très cruels ou très tendres.
Ce récit est une longue métaphore, un conte magique, et c’est un chef d’oeuvre.
• vendredi 04 avril 2008 / 20h : "La Musique du hasard" de Paul Auster
(Le Livre de Poche / Babel – Actes Sud)
Jim Nashe a tout plaqué : sa femme, son boulot, ses amis, ses illusions, sa vie. Seul sur les routes des Etats-Unis, « tel un animal affolé », l’ex-pompier roule dans une Saab neuve avec un héritage de 200 000 $. Mais la fortune de Nashe s’épuise tout comme son moral, jusqu’au jour où il rencontre Jack Pozzi, professionnel du poker, qui attend 10 000 $ de mise pour refaire les milliardaires Flower et Stone, deux excentriques qui vont s’avérer inquiétants. Et 10 000 $, c’est justement ce qui reste à Jim Nashe au bout de quelques semaines d’errance. Ensemble ils tentent le gros coup… « Fou de solitude » : cette phrase que scande Nash est la terrible ritournelle de ce très beau roman ni drôle, ni vraiment triste, où Paul Auster interroge les thèmes qui lui sont chers – l’incertitude de l’identité, l’absurdité du hasard et la perte du sens commun.
• vendredi 8 février 2008 / 20h : "La petite Bijou"de Patrick Modiano (Folio)
Paris, années 60 . Un manteau jaune, un visage marqué par une cicatrice entraperçus dans un couloir du métro et voilà une jeune fille entraînée à rebours du temps. Aimantée elle prend sa ligne en sens inverse pour suivre cette femme énigmatique au manteau élimé...Comme d'habitude la plume de Modiano exhale une musique envoûtante et le charme agit.
• vendredi 7 décembre 2007 / 20h : "Budapest" de Chico Buarque (Folio)
José Costa exerce la profession de "nègre". Forcé de s'arrêter dans la capitale hongroise, il voit peu à peu les évènements de sa vie lui échapper. Hilarant tour de force littéraire, ce troisième roman de Chico Buarque conduit le lecteur des plages d'Ipanema aux bords du Danube. Une réflexion originale sur l'identité et la langue.
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